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Pour attendre le soir

Publié le par Lionel Droitecour

Pour attendre le soir

La bougie où j’y bous,

en mon bouge, le bougeoir où sursoir, dès ce soir, et l’âne y verse, erre et se perd, pépère. À l’os, ce pis tale ( alité ), l’année dernière ( qui ne fus pas ma dernière année ) j’apprenais, aux encablures du début de juin, l’âpre aunée du mal à moi donné par le sort, dont mon art en saure.

Vidons donc ces quelques vers, verts et ouverts, sans verres ni vair, mes convers, à ma santé hantée, sans plaisanter, ne vous déplaise :

Il y a un an d'ici j'apprenais la nouvelle
Dans le regard absent d'un médecin gêné,
Il avait l'œil fuyant et évitait le mot ;
Ce mot qui nous condamne, au moins notre espérance.

Voici, je suis entré en cet étrange temple
Qu'on nomme maladie, dans un temps suspendu
Qui coule de l'horloge, un peu tel un carcan,
Ce pilori du vivre où geint le corps navré.

Un an tel un amer et rigoureux sursis,
Un peu de ma substance retirée de moi,
Ma liberté, soudain, y fut mise à caution,
Si je vis sur parole ce verbe me floue.

Je sais depuis toujours qu'on va vers le tombeau,
L'âge décille en nous cette éprouvante borne,
En trace les contours au bout de l'horizon
Où la camarde rit, là-bas, qui nous attend.

De mon pas ralenti j'arpente le volage,
Une rime à la bouche au goût de calembour,
Certes, je fais le fier et toise le pilon,
Tel le grain, sous la meule, chante la moisson.

Je ne sais en quel four, demain, ira blondir
Le pain que j'ai semé, jadis, en mon sillon ;
Le néant paraît sûr et le vide certain,
Dans l'indéterminé, tantôt, j'aurai ma part.

Haro sur la tristesse, haro sur le gros temps,
Je tiens encor debout et vaque au quotidien,
Le poème souvent, me tient lieu de discours
Et si je ne sais rien, je chante mon chagrin.

Le rendez-vous est pris, je ne suis pas pressé,
Vivre en soi me suffit tant que dure l'instant,
Je ne veux point ici dessiner l'amertume :
Une aube c'est assez pour attendre le soir.

J'ai désappris vois-tu, le jeu de l'insouciance,
Je vais, sombre et disert, un sourire à la lèvre,
L'amour et l'amitié me soutiennent en chœur,
J'emporte mon refrain dans l'agonie du jour.

Troubadour si je peux, ou l’humble mirliton,
Qu’importe en vérité au jeu de l’illusion,
Quand tout va se dissoudre et se désassembler,
Sous la forme, en l’infime, une ombre va régner.

Je n’en veux rien savoir, non plus la contempler
Nul dieu ne vaut qu’on prie, tout rite n’est qu’un mot
Qu’on oppose à la mort, au plâtre des statues,
Enflure dérisoire au chœur peinturluré.

Non je n’ai point inscrit mon aube en ce latin,
J’ai pour la corruption une amitié sincère :
La charogne ici bas nous montre le réel,
Le destin n’est jamais qu’un mensonge grossier.

Pousse sur l’échiquier le bois de ta défaite,
Calcule la brillante et vaine stratégie,
Le buis sera couché au terme de l’extase,
Le roque est impuissant à protéger le roi.

Mais contre qui joue-t-on le gain de la partie ?
Contre soi-même mais aussi contre l’horloge,
Et le jour déprimé, bientôt comme la nuit
Couvre de son manteau les chemins de l’absence.

J’avais jadis, bien sûr, ma lisière d’orgueil
Et je me pénétrais des ombres du levant ;
Certes j’ai cru fonder en mes propres idoles
L’espérance malsaine en un futur sans nom.

Désormais je n’ai plus rien en ma gibecière,
Nul prospect, nul projet sinon qu’en la demeure,
La lice d’une année est un lointain objet,
Borne en l’horizon nu où n’attend nulle quête.

Lionel, 2 juin 2015

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A
Très beau, mon ami, merci !<br /> J'ai retrouvé aussi avec grande joie cet autre magnifique texte d'un grand poète contemporain, accompagné de sa sublime musique :<br /> https://www.youtube.com/watch?v=oOFK16Fn5RU<br /> Et si au bout de l'horizon était simplement... l'envol ? :-)
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B
En ce sublime annif <br /> tu fais la nique aux ifs !<br /> Même s'ils se dessinent<br /> extatique frontière <br /> contre le crépuscule.<br /> Tandis qu' Ingmar<br /> s'en vient "des chemins de l'absence"<br /> que le septième <br /> est sceau...
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D
Vraiment très très beau celui-là ...<br /> Merci !
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